Web-TV
Actualités assurance - banque - finance
L’analyse de Philippe Dessertine sur la nouvelle réalité de l’épargne
L’épargne évolue dans un contexte totalement bouleversé : instabilité monétaire, rupture technologique et cadre réglementaire transformé. Philippe Dessertine analyse ce basculement et ses conséquences pour les épargnants.
Intervention de Philippe Dessertine : l'épargne est au cœur d’une rupture économique majeure
Lors du colloque « Le droit de savoir » consacré au premier rapport de l’Observatoire des produits d’épargne financière, Astrée et Vovoxx ont eu le plaisir d’accueillir Philippe Dessertine, économiste et professeur des universités, pour une analyse approfondie du contexte dans lequel évolue aujourd’hui l’épargne.
Son intervention a relié un siècle d’histoire financière aux bouleversements récents : transformations du cadre réglementaire, tensions monétaires inédites et rupture technologique d’une ampleur exceptionnelle.
Informer d’abord l’épargnant
Dès l’ouverture, Philippe Dessertine revient sur un principe fondateur : la finance moderne repose d’abord sur l’information donnée à l’épargnant.
En rappelant les années 1930 et la création de la SEC (Securities and exchange commission) aux États-Unis, il montre comment les Américains ont placé l’épargnant au centre de la production d’information, non par idéal mais parce qu’une information incomprise détruit la confiance et crée du contentieux.
Cette logique a été adoptée plus tardivement en Europe. À ce titre, le travail de l’OPEF s’inscrit dans une démarche qui vise précisément à rendre l’information accessible et utile pour celles et ceux qui doivent décider où placer leur épargne.
Une loi Industrie verte déjà rattrapée par un contexte totalement transformé
Un fil conducteur irrigue son intervention : on ne peut pas faire « comme si ».
Comme si la loi Industrie verte de 2023 évoluait encore dans le cadre européen qui prévalait lors de son adoption.
Or ce cadre s’est profondément modifié :
- « l'arrêt de l’horloge » à Bruxelles, gelant de nombreux textes
- la remise en cause du calendrier et de la portée de la CSRD
- un basculement politique aux États-Unis, avec une approche très différente des questions de transition et de régulation.
Résultat : la loi n’a pas disparu, mais l’environnement qui la rendait cohérente n’est plus le même. Pour l’épargnant, le message devient brouillé : la loi existe toujours, mais le cadre qui devait l’accompagner a disparu.
La question centrale : la valeur de la monnaie
Un autre point majeur concerne la monnaie.
La problématique actuelle ne se limite plus à la trajectoire de l’inflation : elle touche désormais la valeur même des grandes monnaies à moyen et long terme.
Aux États-Unis, la remise en cause de l’indépendance de la banque centrale et la volonté affichée de créer de la monnaie « quoi qu’il en coûte » modifient les repères traditionnels des marchés financiers.
En parallèle, l’autorisation dès 2024 des investissements en bitcoin dans des dispositifs d’épargne réglementée traduit une inquiétude profonde : un nombre croissant d’investisseurs cherchent des supports échappant à l’émission des banques centrales.
Cette évolution marque, selon lui, une rupture majeure dans l’environnement de l’épargne de long terme.
Une performance qui ne ressemble plus à celle du passé
L’un des passages les plus marquants de l'intervention de M Dessertine porte sur l’exemple de Nvidia :
- 10 milliards de capitalisation en 2014,
- 1 000 milliards en 2023,
- plus de 4 000 milliards aujourd’hui.
Cette explosion de valeur ne relève ni d’une bulle immobilière ni d’un phénomène spéculatif classique : elle est liée à une transformation technologique d’une ampleur exceptionnelle.
M Dessertine compare ce moment à l’apparition du moteur à explosion dans un monde encore structuré autour des chevaux et des bœufs : les repères économiques sont bouleversés et les marchés financiers réagissent à une vitesse inédite.
Dans ce contexte, il souligne un point essentiel : l’Europe continue de raisonner selon des critères traditionnels — chiffre d’affaires, bénéfices, dividendes — alors que la dynamique de création de valeur n’obéit plus aux mêmes logiques.
Le rapport Draghi l’a d’ailleurs rappelé : l’épargne européenne n’est pas orientée vers les secteurs où se construit la valeur du futur.
L’épargne doit circuler
Lors des grandes périodes d’innovation - fin du XIXᵉ siècle, début du XXᵉ - l’épargne circulait intensément, portée par un besoin massif d’investissement dans l’économie réelle.
Aujourd’hui, le contraste est fort : les marchés américains offrent une liquidité impressionnante, tandis que l’Europe reste marquée par une épargne immobilisée, soutenue par une fiscalité pensée pour la stabilité plus que pour l’innovation.
Le rôle de l’OPEF dans ce contexte mouvant
Pour conclure, Philippe Dessertine replace le travail de l’OPEF dans ce nouveau paysage : donner à l’épargnant une information claire et structurée, alors même que :
- les cadres réglementaires évoluent rapidement,
- la valeur des monnaies interroge,
- les repères de performance changent,
- et que les transformations technologiques créent des écarts de valeur spectaculaires.
Dans ce moment de transition, l’information devient un outil essentiel pour permettre aux épargnants de comprendre les choix qui s’offrent à eux, et d’évoluer dans un environnement en rupture.
Revoir la première table ronde du colloque : enjeux, genèse et fonctionnement de l'Observatoire des produits d'épargne financière.
Avec :
- Christophe Bories – Chef de service du financement de l’économie à la Direction générale du Trésor
- Catherine Julien Hiebel – Présidence du Comité consultatif du secteur financier (CCSF)
- Grégoire Vuarlot – Secrétaire Général Adjoint de l’ACPR et représentant du pôle commun (ACPR – AMF)
Revoir la deuxième table ronde : la parole aux épargnants
Avec :
- Guillaume Prache, Président fondateur de BETTER FINANCE – European Federation of Investors and Financial Services Users
- Bruno Guillier de Chalvron, Délégué général de l'AGIPI
- Hervé Mondange, AFOC – Association Force Ouvrière Consommateurs
Revoir la troisième table ronde : les professionnels de l'épargne
Avec :
- Laure Delahousse, Directrice générale de l’AFG
- Pierre Bocquet, Directeur banque de détail à la Fédération bancaire française
- Stéphane Pénet, Directeur général adjoint de France Assureurs