Depuis plusieurs mois, la crise sanitaire provoque au sein du secteur de l’assurance de dommages un débat et des questionnements importants concernant l’accompagnement des compagnies d’assurances et plus spécifiquement les conditions dans lesquelles elles ont, avec leurs distributeurs, anticipé l’indemnisation des dommages subis par les entreprises assurées, lorsque les activités de ces entreprises ont été impactées par la survenance de la pandémie COVID 19.
Au-delà des débats dogmatiques, des bilans qui ne sont pas glorieux loin de là, vient le temps de l’analyse de la robustesse des contrats et des comportements.
Quelle est la vocation d’une garantie perte d’exploitation ?
Il apparaît que cette mise au point s’impose. Les dossiers de sinistres en cours de traitement nous interpellent sur la nécessité de rappeler la définition de cette garantie.
Les argumentaires parfois opposés par les assureurs consistent à considérer que la garantie perte d’exploitation consécutive à la pandémie n’a pas vocation à figurer au sein d’un contrat d’assurances de dommages aux biens car elle ne concerne que les dommages subis à la suite d’événements propres à l’entreprise.
En effet, ne confondons pas événement garanti et dommage garanti
Là est le subtil dérapage et le piège dans lequel il ne faut pas tomber.
Quel est l’événement qui provoque depuis mars 2020 un arrêt de l’économie et pour certaines entreprises une baisse sidérante de leur chiffre d’affaires et donc de leur marge ?
C’est la pandémie COVID-19 et uniquement la pandémie COVID-19. Il ne s’agit pas d’autre chose.
Ainsi, il nous paraît dangereux de mettre en avant des arguments dogmatiques ou théoriques à caractère général, et non corroborés par des termes précis du contrat en cause, alors que le débat est purement contractuel comme l’a rappelé l’autorité de contrôle (communiqué ACPR 23.06.2020), mais également beaucoup de juridictions, tant civiles que commerciales, qui statuent régulièrement maintenant sur ces dossiers. […]
L’application douloureuse des intercalaires
L’analyse des contrats met en évidence que les garanties autonomes de perte d’exploitation qui sont en réalité les seules à trouver application, proviennent souvent de contrats d’assurances spécifiques rédigés par des courtiers qui ont conçu ces garanties perte d’exploitation en créant, en s’adossant à des conditions générales standard, des garanties autonomes reliées uniquement aux événements garantis, soit par l’intercalaire lui-même, soit par le contrat de base. Cette garantie autonome est non conditionnée par la survenance d’un dommage matériel.
Là encore, trop souvent sont les réponses adressées par les compagnies qui ne se réfèrent qu’aux conditions générales de leur contrat, et qui refusent de considérer le texte des intercalaires, qu’elles ont pourtant acceptés, et qui ne sont autres que des conventions spécifiques et dérogatoires venant se substituer au mécanisme général et de ce fait :
- Peuvent permettre d’accroître le périmètre de l’objet du contrat ;
- Définir les règles d’indemnisation du dommage subi.
On note néanmoins que le travail de cohérence contractuelle et d’interface, c’est-à-dire de compréhension et de lisibilité de l’ensemble contractuel que constituent les conditions générales et les intercalaires (autrement appelés conventions spéciales ou particulières) n’a pas été fait ou insuffisamment, et c’est cela qui en partie aujourd’hui, retarde les indemnisations et nuit aux intérêts des assurés.
En effet, cette absence de lisibilité provoque des discussions sémantiques importantes, génère des difficultés d’interprétation et contraint donc les assurés à s’en remettre à la justice pour faire trancher le différend quant à l’interprétation de leur contrat.
Et la conformité dans tout cela ?
Vous en déduirez qu’il s’agira probablement d’un comportement obsessionnel de ma part… nous l’écrivons souvent et nous l’avons également écrit pour ce qui concerne les processus de mise en oeuvre de la vente de produits d’assurance par téléphone.
Là encore, nous réitérons que la directive distribution bouleverse l’assurance de l’entreprise, l’assurance de dommages aux biens et de responsabilité, bien plus qu’en matière d’assurance-vie secteur pour lequel les recommandations de l’ACPR et son travail de contrôle (conjointement avec l’AMF) avaient déjà défini les bonnes pratiques (Recommandation 2013 R-01 du 8 janvier 2013). […]
Et le courtier dans tout cela, est-il exposé ?
On note enfin un certain nombre de comportements surprenants qui consistent aujourd’hui à culpabiliser les courtiers dont les contrats fonctionnent ! C’est-à-dire des contrats qui apportent aux entreprises qui subissent de graves pertes d’exploitation, des garanties associées.
Nous aurions plutôt intérêt à relever leur professionnalisme et leur à-propos, à tout le moins à relever l’heureuse coïncidence.
Le courtier n’est-il pas en effet principalement, comme l’argent général du reste (nous l’avons fait juger), l’allié du client et n’a-t-il pas vocation à systématiquement agir dans son intérêt ?
Dans ce contexte, beaucoup d’entre eux sont fortement incités à signer des transactions au nom et pour le compte de leurs clients dont les effets consistent à obtenir une indemnisation limitée au 11 mai 2020, la résiliation anticipée des contrats 2020, ou accepter des modifications immédiates de leurs intercalaires. […]
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